Full resolution (JPEG) - On this page / på denna sida - Joh. Eleon. de la Gardie
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ne peut s’empêcher d’arrêter les bergères pour leur
demander avec beaucoup de dépit, si elles connaissaient donc
quelque mortelle plus parfaite qu’elle? Sur quoi une des
bergères répondit d’abord par ces vers:
Déesse, fussiez vous encore bien plus belle,
Ismène aurait toujours plus de perfection,
Puisque vous n’êtes pas cette aimable mortelle
Nous ne vous devons pas notre adoration.
Toute la troupe de Vénus murmurait horriblement
d’une réponse si hardie. Les uns conseillaient la mère des
Amours de venger cette offense sur Ismène, les autres s’en
prenaient aux bergères, qui étaient soutenues par la vérité
et la vertu même, ce qui les rendit si fermes, qu’elles ne
se dédisaient de rien. Vénus, qui était depuis long temps
jalouse de la beauté d’Ismène, voulut pourtant dissimuler
son inquiétude, et fit semblant d’ignorer jusqu’au nom de
cette aimable personne. Elle demandait aux Amours s’ils
avaient jamais volé pour cette nymphe? Mais les Grâces
avaient soin d’en écarter les plus sincères sur des prétextes
spécieux et les autres n’osaient contredire à leur souveraine.
La bergère cependant qui avait commencé de parler, prit
occasion de la feinte ignorance de Vénus, pour davantage
(montrer) sa vanité, elle s’offrit de faire le portrait d’Ismène
et de soumettre même au jugement de la Déesse tout le
mérite de cette Nymphe, ce que Vénus ne s’imaginait pas
devoir refuser, sur quoi la bergère commença d’apaiser le
tumulte de ses adversaires en parlant de cette sorte.
Ismène ne prétend point à la Divinité, elle ne veut
pas être plus belle que Vénus, ce n’est pas son ambition
de faire naître les amours, mais elle mérite tout sans rien
prétendre, elle l’emporte sans effort, et notre souffrage
n’est sollicité que par sa perfection, qui consisté autant
dans sa vertu que dans sa beauté, et quand tout le monde
est pour elle, on la voit souvent seule déclarée contre elle
même.
Un peu d’orgueil, un peu de vanité
Gâte souvent la plus rare beauté.
Plus un objet peut mériter qu’on l’aime
Moins il est beau qui s’admire lui même.
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