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Lettres de Stockholm par Auguste Strindberg 121
II n’y a pas de salon dans toute la capitale, parce qu’il ny a
pas de femmes. La femme du Nord est tres bien chantée,
hor-riblement adorée, mais elie reste a 1’état de poême. Jamais fete
publique ön privée oü la femme n’obtienne son toast, qu’elle soit
présente ön non. Le culte de la femme est poussé à 1’absurde, et
cependant elie est absente. On 1’adore, mais ön ne 1’aime guêre.
On en a peur. Tine femme entre-t-elle dans un salon rempli de
jeunes hommes? Tous se taisent. La därne comprend tres bien
que sa présence dérange ces messieurs, et elie se retire. La gaieté
revient.
Ce poême incroyable, cette fiction moyen äge des rêveurs
fa-méliques est un fantöme: påle, blonde, sans corps, aux yeux bleu
cobalt, vêtue d’une tunique bleue et blanche aux plis byzantine;
chaste, fidêle épouse, fidêle à la mört, aimant son époux et ses
en-fants, voilà 1’idéal d’un jeune blond.
Par malheur, ou par bonheur, la réalité diffêre un peu de l’idéal,.
et le type feminine est en train de se modifier. Progrês ou reculr
ce n’est pas encore décidé.
Faute de femmes, 1’art de la conversation, ce jeu des möts et
des pensées écourtées, reste en jachêre. La chasteté extreme,
l’au-stérité des mœurs, la separation des sexes, ont engendré une
ten-dance fächeuse vers Thommasserie moderniste. Des qu’une femme
commence à saffranchir des préjugés, des qu’elle sort du ménage
pour prendre interêt aux questions humanitaires, elie tombe dans
1’androphobie, mais, par extraordinaire, aussi dans le masculinisme.
La femme émancipée est un produit septentrional originaire de la
Scandinavie et de 1’Angleterre. Aussitöt éveillée de son sommeil
séculaire, au lieue de rester femme libre, elie prend les lunettes,
coupe les cheveux, revet la jaquette, met des faux-cols, fume, boit,
crache, confessant bien haut sa haine contre les hommes tout en
les imitant. C’est pourquoi la femme scandinave, ayant déposé ses
meilleures armes, se prive de toute influence sur le société. De là
absence de femmes politiques, pas de salons, pas de société.
Les femmes d’intelligence s’occupent de bals de bienfaisance,
d’esthétique, de musique, de piétisme et tout au plus des »droits
de la femme». Pas une ne joue un role quelconque dans la vie
publique. On n’aurait rien à reprocher à la propagande pour les
droits de la femme si la condition de la femme scandinave n’était
d’ores e^ déjà tres satisfaisante. La recherche de la paternité est
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