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Lettres de Stockholm par Auguste Strindberg 137
aux noces de 1’aimée et se contente des beaux restes d’un mariage
mal assorti.
Gest tres joli, malgré cette mésalliance peu attrayante entré
la vieillesse et la jeunesse. Ils sont naifs à en mourir, ce jeune
désintéressé, et cette blonde déliée, qui calcule comme un épicier.
Car, voyez-vous la femme du Nord est en fait la plus pratique petite
bourgeoise du monde, sachant provoquer les hallucinations des
hom-mes en les mettant à la diête. Rien de plus comique que ce Werther
scandinave! Le langage poétique de ce maitre est surchargé de
métaphores, de fleurs, d’hyperboles, de pensées et de reflexions sans
fin, de jolis möts entassés, dont ön peut faire usage comme des
citations. Tout y est paré, attifié, factice, mais il a touche le coeur
de la nation.
Son seul rival, le Finlandais Runeberg, l’a surpassé en vérité.
Celui-çi a dégagé le langage poétique, mais il n’a pas fait école
pour le style. La vérité nue est trop simple pour le fastueux
Sué-dois. En échange, c’est lui qui a donne le modele du genre
patrioti-que par ses Fåndrih Ståls Sägner.
Apres tout Tegnér reste la sommité, le roi, le dieu, et
1’Aca-démie soutient le culte du pimpant.
L’Academie, instituée par Gustave III à la fin du dernier siêcle,
est une institution dérisoire, composée de dix-huit bons amis qui se
recrutent à volonté. Ce n’est pas une assemblée de poêtes, mais
plutöt un club de gens du monde: d’ex-ministres sans nom, d’amateurs
inconnus, et apres ravênement de la tres chrétienne reine Sophie,
un rendez-vous d’évêques, de curés, pris à tort et à travers. Les
meilleurs poêtes et les plus originaux du pays n’ont jamais fait
partie de ce cercle aristocratique. Par malheur, 1’influence de,
1’Aca-démie sur la littérature n’est pas sans conséquence, en raison du
pouvoir qui lui est accordé par 1’Etat de décider de la répartition
des gages d’auteur, et de distribuer les prix aux concurrents. Toute
la jeunesse lettrée en a subi le cauchemar, et la réaction a
bien-töt découvert la puissance irrésistible de cette institution, plus
sem-blable à une séminaire de la Compagnie de Jesus qu’à une academie
d’un des sept arts libéraux.
Les concours sont annuels; mais décriée pour ses effets
rétro-grades et blåmée par la Chambre des députés, la course aux
médail-les a baisse. Aujourd’hui les lauréats ne sont pour la plupart que
des collégiens qui ont confectionné quelques kilométres de vers sur
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