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étes au fait Monsieur de mieux connaitre cela que tout autre,
Vous m’en rendrés justice. II y a peut étre une impossibilité
que cela puisse arriver en nos jours, quoique sous les auspices
d’un Roi philosophe, notre litterature commence de plus en
5 plus ä lever son front abbattu. Le Siecle brillant de Louis
XIV nous a prouvés ce que peuvent 1’abondance et
l’en-couragement; mais enfin nous avons toujours la dureté de
notre langue et la froideur de notre climat ä combattre. II
me parait, que pour suppléer ä notre peu de vivacité, il nous
10 faudroit une langue facile, brillante et riche en expressions
heureuses. Racourcissons nos polysyllabes; travaillons nos
organes pour oter de nos mots tout ce qui rend leur son
dur et qui empeche notre éloucution d’étre douce et sonore;
Enrichissons nos Dictionnaires; mettons des airs nobles dans
is nos expressions et nous aurons des bons Poétes. Tout cela
se doit faire avant, et ce n’est pas lä 1’ouvrage de peu de
tems.
Vous aurez la bonté, Mon Cher Maitre, de Vous
souvenir, que Rome eut son Ciceron, avant que d’avoir Virgile
20 Horace et Lucain. Encore avoit Elle eu besoin de septcent
ans de progrés pour produir un homme, tel que ce grand
Orateur. Cela ne prouve-t-il pas que les arts ne s’avancent
que trés lentement, et que, pour étre grand Poéte il faudroit
plutöt avoir recours ä une langue tout formée, que d’en
2r» former une?
II n’y a aucun peuple en Europé, (quand seulement on
fait 1’exception des nos chers voisins les Russiens, et de ces
pauvres enfants d’une mere tracassiere les polonois:) qui soit
si tard parvenu ä faire quelque progrés dans les arts que
30 nous. Nous ne pouvons nous vanter que d’un trés petit
nombre de grands hommes et toutes les autres nations jusqu’ä
la Hollandaise, ont fleuri il y a deja long tems. Nous parlons
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